Le jeudi 7 mars 2019, vous avez envoyé la police municipale contre les grévistes du Centre technique municipal de notre ville et leurs soutiens syndicaux. (…/…) Je refuse de suivre l’exécutif sur cette voie honteuse. J’entends au contraire rester fidèle aux valeurs de l’élu communiste et Front de gauche que je suis, ainsi qu’au projet pour lequel nous avons été élus en 2014.
Aussi je tire aujourd’hui les conclusions qui s’imposent en quittant cette majorité égarée sur des chemins indignes.

On peut ne pas être d’accord avec les revendications des salariés, les trouver injustifiées, excessives ou ce qu’on veut. Mais faire intervenir la police contre les syndicats et des grévistes est une pitoyable et dangereuse première dans une mairie qui se veut encore à direction communiste.
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« Au-delà de ces considérations, ce que j’ai constaté par moi-même sur place ce 7 mars ainsi que sur des vidéos faites avant mon arrivée et mises en ligne sur les réseaux sociaux, soulève plusieurs questions graves sur le fonctionnement de notre police municipale et sur l’usage que vous en faites.
Sur une vidéo que j’ai récupérée sur les réseaux sociaux et que je tiens à votre disposition, on voit très distinctement les agents de police municipale user de la force contre des agents communaux qui ne représentaient pas une menace. Ils les bousculent, les repoussent, les maintiennent, les agrippent… Et certains sont mis à terre.
Cette vidéo montre ce qui relève à l’évidence d’une opération de maintien de l’ordre.
Cette compétence est pourtant une prérogative réservée à la police nationale ou à la gendarmerie. Et pas aux polices municipales.
Qui plus est, cette opération n’avait explicitement pas pour objet de faire appliquer l’arrêté du maire du 11 février 2019 relatif à l’« administration du centre technique municipal ». C’est très clairement ce que m’a déclaré la directrice générale adjointe présente sur place au moment des faits : « Monsieur Caro, qu’il n’y ait aucune ambiguïté : On ne touche pas du tout au blocage qui est là. C’est l’accès à la passerelle pour les véhicules individuels. Basta ! C’est juste ça, oui, pour l’accès aux véhicules individuels, c’est tout. On ne touche pas au blocage de la grève, ok ? Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté là-dessus. Là, la demande du maire elle ne concerne absolument pas ce blocage-là. Regardez : preuve en est, ils n’ont aucun mandat pour intervenir sur ce blocage ou sur la cabane. »
Comment alors se fait-il que vous ayez autorisé la police municipale à exercer une opération de maintien de l’ordre, qui ne relève pas de ses compétences et est donc illégale ?
Par ailleurs sur cette même vidéo, pendant l’opération de maintien de l’ordre on entend clairement une personne donner des ordres. Et ce n’est pas le chef de la police municipale, pourtant présent sur place. Dès lors que le maire n’est pas sur place (Alors qu’il est habilité à donner des ordres directs aux policiers puisque « Les agents de police municipale sont placés, dans leurs missions de police administrative, sous l’autorité hiérarchique du maire de la commune », selon l’article R515-5 du CSI) ; et que le maire n’a pas délégué cette compétence à d’autres élus, il est clair que notre police municipale a exécuté des ordres directs d’une tierce personne. Qui n’existe pas dans l’encadrement prévu dans la filière sécurité des collectivités territoriales.
Qui a autorisé une personne qui n’est pas de la filière encadrement de la police municipale à donner des ordres directs à la police municipale ? Et comment se fait-il que la police municipale obéisse à des ordres directs d’une personne qui n’est pas habilitée à les donner ?

Sur cette même vidéo encore, on voit très distinctement une personne en civil, qui n’est pas policier municipal, se joindre aux policiers municipaux et user de la force physique contre des agents communaux. Bref, exercer sur eux une « violence physique ». Cette personne est le « délégué général à la sécurité et à la tranquillité publique » que vous avez nommé il y a quelques mois. Il n’est pas policier municipal mais un cadre municipal. Ne disposant d’aucune prérogative particulière pour exercer une quelconque violence ou contrainte physique contre des salariés de la Ville, cette personne est susceptible d’être accusée par les victimes de faits qui peuvent être sanctionnée par les tribunaux, selon le Code pénal (articles 222-7 et suivant).
Est-ce sur votre ordre que ce cadre communal a usé de la force à l’encontre d’agents communaux ? Si ce n’est pas le cas, comment se fait-il que la police municipale accepte une personne civile dans ses rangs pendant une opération ?
Au-delà des aspects juridiques, il s’agit aussi d’un mode de management absolument intolérable. Ne pas le dénoncer et le sanctionner serait le cautionner.
Sur une seconde vidéo que j’ai également récupérée sur les réseaux sociaux et que je tiens à votre disposition, on entend très clairement une des syndicalistes, victime de l’opération de maintien de l’ordre de la police municipale, s’adresser directement aux agents de police pour leur demander leurs « carte de police ». La syndicaliste insiste en demandant à tous les policiers s’ils ont bien leur carte. La vidéo montre très clairement qu’aucun policier ne répond. Et donc qu’ils refusent de fait de présenter leur carte professionnelle.
En l’absence de réponse, elle insiste auprès de plusieurs personnes. En particulier auprès du brigadier-chef principal faisant fonction de chef de la police municipale, à qui elle demande si les policiers ont leur carte de police. Et lui demande directement : « Tu as ta carte de police Bruno ? » Et n’obtient pour toute réponse que « Tu as ta carte de FO ? »
Je relève au passage —en plus du refus de fait de présenter sa carte professionnelle—, le caractère totalement déplacé de cette réponse pour le moins désinvolte ; et en tout état de cause non-professionnelle.
Au sujet de la carte professionnelle, j’ai pourtant rappelé lors du conseil municipal du 21 février dernier, qu’aux termes de l’article L511-4 du CSI, pour les policiers municipaux « le port de la carte professionnelle et celui de la tenue sont obligatoires pendant le service. » Ainsi, dès lors que la carte professionnelle leur était demandé pour justifier de leurs fonctions, tous les agents de police municipale présents étaient tenus de la présenter.
Comment se fait-il que les policiers persistent ainsi à ne pas présenter leur carte professionnelle alors que la demande est clairement formulée, et malgré le rappel que j’ai fait lors d’une séance récente du conseil municipal ?
En regardant attentivement cette seconde vidéo, on distingue parfaitement un Gardien stagiaire, dont le grade est affiché sur la poitrine. Il participe activement à l’opération de maintien de l’ordre. Il donne même le bras au civil qui participe lui aussi pour faire usage de la force physique. Or, jamais un Gardien stagiaire de devrait être sur le terrain car il ne dispose pas de toutes les habilitations nécessaires, puisque justement il est en stage.
Comment se fait-il qu’il se retrouve dans cette opération ? Y-a-t’il d’autres policiers municipaux qui ce jour-là sont intervenus et n’étaient pas en droit de le faire ? Et est-ce pour cela que tous refusent de montrer leur carte professionnelle ?
Toujours dans cette seconde vidéo, la syndicaliste qui continue d’insister sur la nécessité pour les agents d’avoir la carte de police, s’adresse directement au cadre municipal qui a participé à l’action de maintien de l’ordre dont elle a été l’une des victimes. Et quand il est ainsi rappelé directement à l’intéressé l’obligation pour les policiers municipaux d’avoir leur carte de police (Faute de quoi leurs actes sont entachés d’illégalité), le « délégué général à la sécurité et à la tranquillité publique » répond de façon surprenante : « Qui c’est qui a dit ça ? C’est nouveau ça ? »
Alors de deux choses l’une : Ou bien ce cadre que vous avez placé à la tête d’une curieuse « délégation générale à la sécurité et à la tranquillité publique » n’a pas les compétences professionnelles pour ce poste. Et il vous reviendrait dans ce cas d’en tirer les conclusions. Ou bien il en a les compétences. Mais alors cela voudrait dire qu’il aurait sciemment laissé se dérouler sous ses yeux un manquement à la loi, clairement identifié ? Si c’est le cas il conviendrait là aussi que vous tiriez les conclusions qui s’imposent.
Tout cela n’arrive pas dans un ciel serein :
• Le 31 mai 2018 en séance du conseil municipal, le maire-adjoint alors en charge de la Tranquillité publique, Slimane Rabahallah, nous a tous alerté sans détour sur la situation pour le moins préoccupante de notre police municipale.
• Lors du conseil municipal de février dernier, j’ai alerté le conseil sur le fait que le dimanche 17 février, lors de « l’évacuation des habitants de la Plaine pour l’opération de déminage, j’ai vu les policiers municipaux en uniforme, le commissaire de police d’ailleurs aussi en uniforme… Le seul que je n’ai pas vu en uniforme sur le terrain, c’était le chef de la police municipale. » Ce qui faisait donc que « sur le terrain ce jour-là le seul qui contrevenait à la Loi c’était celui qui dirige la police municipale et est censé rappeler aux autres le cadre légal dans lequel l’action des uns et des autres s’inscrit. » J’ai indiqué qu’il me paraissait souhaitable de « le rappeler à l’intéressé et aux autres » ces dispositions légales dans lesquelles ils inscrivent leur action. En l’absence de réponse, je vous ai adressé le 8 mars un courriel pour vous demander de m’informer sur les mesures prises sur le non-respect constaté de l’obligation du port de l’uniforme par le chef de la police municipale. Je n’ai à ce jour reçu aucune réponse.
• Lors de deux conseil municipaux récents (octobre 2018 et février 2019), j’ai alerté sur la nécessité d’une montée en compétence de l’encadrement de la police municipale de notre ville. En recrutant en particulier des cadres de catégories A (voire B) de la filière police municipale.
L’opération pour laquelle vous avez mobilisé notre police municipale le 7 mars tout autant que votre surdité persistante sur les alertes qui vous sont faites, sont sources de risques importants :
• Pour les policiers municipaux, qui se trouvent engagés dans des opérations dont la nature s’avère juridiquement hasardeuse et dans des conditions matérielles également hasardeuses. Leur responsabilité pouvant alors être recherchée en cas d’incident, de plainte ou autres.
• Pour la Ville de Saint-Denis, dont les actes effectués par sa police sont susceptibles d’être frappés d’illégalité s’ils sont assurés par un policier sans uniforme ou/et sans carte professionnelle ; ou qui méconnait certaines de ses obligations professionnelles ; ou qui est engagé dans des opérations qui ne relèvent pas de ses compétences.