La police municipale n'est pas une milice et ne saurait s'affranchir des lois et règlements. Une dérive en ce sens serait un danger pour les citoyennes et les citoyens, et les libertés publiques. Aussi, pour défendre celles-ci, dans les jours à venir je vais saisir le Défenseur des Droits.

Le jeudi 7 mars le maire de Saint-Denis a envoyé la police municipale (PM) contre les grévistes du Centre technique municipal de notre ville et contre leurs soutiens syndicaux.

1) UNE OPÉRATION DE MAINTIEN DE L'ORDRE QUI NE RELÈVE PAS DES COMPÉTENCES DE LA POLICE MUNICIPALE.
Sur une vidéo (Publication originale visible sur Facebook en cliquant ICI) on voit très distinctement les agents de police municipale user de la force contre des agents communaux qui ne représentaient pas une menace. Ils les bousculent, les repoussent, les maintiennent, les agrippent… Et certains sont mis à terre.
Pour la bonne compréhension de tous (De celles et ceux qui n'ont pas Facebook en particulier), je mets à disposition la vidéo en question ici :
Cette vidéo montre ce qui relève à l'évidence d'une opération de maintien de l’ordre. Or cette compétence est une prérogative réservée à la police nationale ou à la gendarmerie. Et pas aux polices municipales. Notre police municipale a donc exercé ce jour là une compétence qui n’est pas autorisée par la loi.
QUESTIONS : Le maire a-t-il autorisé la police municipale à exercer une opération de maintien de l’ordre, qui ne relève pas de ses compétences ? Si non, qui a autorisé cette opération ?
2) UN DONNEUR D'ORDRES QUI N'EST PAS UN CADRE DE LA FILIÈRE POLICE MUNICIPALE.
Sur cette même vidéo, pendant l’opération de maintien de l’ordre on entend clairement une personne donner des ordres. Et ce n’est pas le chef de la police municipale —pourtant présent sur place.
Dès lors que le maire (Qui est habilité à donner des ordres directs aux policiers puisque « Les agents de police municipale sont placés, dans leurs missions de police administrative, sous l’autorité hiérarchique du maire de la commune », selon l’article R515-5 du CSI) n’est pas sur place ; et que le maire n’a pas délégué cette compétence à d’autres élus, il est clair que notre police municipale a exécuté des ordres directs d’une tierce personne. Qui n’existe pas dans l’encadrement prévu dans la filière sécurité des collectivités territoriales.
QUESTIONS : Qui a autorisé une personne qui n'est pas de la filière encadrement de la PM à donner des ordres directs à la police municipale ? Comment se fait-il que la police municipale obéisse à des ordres directs d’une personne qui n’est pas habilitée à les donner ?
3) UN CADRE MUNICIPAL QUI FAIT USAGE DE LA FORCE CONTRE DES EMPLOYÉS COMMUNAUX.
Sur cette même vidéo encore, on voit très distinctement une personne en civil, qui n’est pas policier municipal, se joindre aux policiers municipaux et user de la force physique contre des agents communaux. Bref, exercer sur eux une « violence physique ». Cette personne est le « délégué général à la sécurité et à la tranquillité publique » que le maire a nommé il y a quelques mois. Il n’est pas policier municipal mais un cadre municipal.
Ne disposant d’aucune prérogative particulière pour exercer une quelconque violence ou contrainte physique contre des salariés de la Ville, cette personne est susceptible d'être accusé par les victimes de faits qui peuvent être sanctionnée par les tribunaux, selon le Code pénal (articles 222-7 et suivant).
Au-delà des aspects juridiques, il s’agit surtout d’un mode de management absolument intolérable. Qui doit être dénoncé et sanctionné.
QUESTIONS : Est-ce sur ordre du maire que ce cadre communal a usé de la force à l’encontre d’agents communaux ? Si ce n’est pas le cas, quelles mesures disciplinaires seront-elles prises pour sanctionner ce comportement inacceptable ? Et quelles mesures le maire va-t-il prendre pour défendre les victimes agressées ?
4) REFUS DE RÉPONDRE À L'OBLIGATION DE PRÉSENTATION DES CARTES PROFESSIONNELLES.
Sur une seconde vidéo (Publication originale sur Facebook disponible en cliquant ICI) on entend très clairement une des syndicalistes, victime de l’opération de maintien de l’ordre de la PM, s’adresser directement aux agents de police municipale pour leur demander leurs « carte de police ».
Pour la bonne compréhension de tous (et de celles et ceux qui n'ont pas Facebook en particulier), je mets également à disposition la vidéo en question ici :
La syndicaliste insiste en demandant à tous les policiers s’ils ont bien leur carte. La vidéo montre très clairement qu’aucun policier ne répond. Et donc qu'ils refusent de fait de présenter leur carte professionnelle.
En l’absence de réponse, elle insiste auprès de plusieurs personnes. En particulier auprès du brigadier chef principal faisant fonction de chef de la police municipale, à qui elle demande si les policiers ont leur carte de police. Et lui demande directement : « Tu as ta carte de police Bruno ? » Et n’obtient pour toute réponse que « Tu as ta carte de FO ? » Je note au passage, en plus du refus de fait de présenter sa carte professionnelle, le caractère déplacé de cette réponse pour le moins désinvolte ; et en tout état de cause non-professionnelle.
Au sujet de la carte professionnelle, j'ai pourtant rappelé lors du conseil municipal du 21 février dernier, qu’aux termes de l’article L511-4 du CSI, pour les policiers municipaux « le port de la carte professionnelle et celui de la tenue sont obligatoires pendant le service. » Ainsi, dès lors que la carte professionnelle leur était demandé pour justifier de leurs fonctions, tous les agents de police municipale présents étaient tenus de la présenter.
QUESTION : Puisque le maire n'a manifestement pas agit comme je le recommandais dans mon alerte lors du conseil municipal du 21 février, prendra-t-il enfin les dispositions indispensables pour que notre police municipale réponde à toutes ses obligations légales ?
5) LA SURPRENANTE MÉCONNAISSANCE DU "DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL À LA SÉCURITÉ ET À LA TRANQUILLITÉ PUBLIQUE" DES OBLIGATIONS FAITES PAR L'ARTICLE 511-4 DU CSI.
Toujours dans cette même seconde vidéo, la syndicaliste qui continue d’insister sur la nécessité pour les agents d’avoir la carte de police, s’adresse directement au cadre municipal qui a participé à l'action de maintien de l'ordre dont elle a été l’une des victimes. Et quand il est ainsi rappelé directement à l'intéressé l’obligation pour les policiers municipaux d’avoir leur carte de police (Faute de quoi leurs actes sont entachés d’illégalité), le « délégué général à la sécurité et à la tranquillité publique » répond de façon surprenante : « Qui c’est qui a dit ça ? C’est nouveau ça ? »
Alors de deux choses l’une : Ou bien ce cadre placé par le maire à la tête d'une curieuse « délégation générale à la sécurité et à la tranquillité publique » n’a pas les compétences professionnelles pour ce poste. Et il revient dans ce cas au maire d’en tirer les conclusions. Ou bien il en a les compétences. Mais alors cela cela voudrait dire qu’il aurait sciemment laissé se dérouler sous ses yeux un manquement à la loi, clairement identifié ? Si c'est le cas il conviendrait là aussi que le maire tire les conclusions qui s’imposent.
Tout ça n'arrive pas dans un ciel serein :
• Le 31 mai 2018 en séance du conseil municipal, le maire-adjoint Slimane Rabahallah nous a tous alerté sans détour (voir vidéo ci-après) :
• Lors du conseil municipal de février dernier, j’ai alerté le conseil sur le fait que le dimanche 17 février, lors de « l’évacuation des habitants de la Plaine pour l’opération de déminage, j’ai vu les policiers municipaux en uniforme, le commissaire de police d’ailleurs aussi en uniforme… Le seul que je n’ai pas vu en uniforme sur le terrain, c’était le chef de la police municipale. » Ce qui faisait donc que « sur le terrain ce jour-là le seul qui contrevenait à la Loi c’était celui qui dirige la police municipale et est censé rappeler aux autres le cadre légal dans lequel l’action des uns et des autres s’inscrit. » J’ai indiqué qu’il me paraissait souhaitable de « le rappeler à l’intéressé et aux autres » ces dispositions légales dans lesquelles ils inscrivent leur action.
• Lors de deux conseil municipaux récents (octobre 2018 et février 2019), j'ai alerté sur la nécessité d’une montée en compétence de l’encadrement de la police municipale de notre ville. En recrutant en particulier des cadres de catégories A (voire B) de la filière police municipale.
-> Pour les policiers municipaux. Car lorsqu'ils sont engagés dans des opérations dont la nature s'avère juridiquement hasardeuse, ou dans des conditions matérielles hasardeuses (par exemple sans carte professionnelle), leur responsabilité peut être recherchée en cas d'incident, de plainte ou autres. Et il est par exemple fort possible que les assurances trouveraient à redire si un accident survenait à l'un d'eux dans un tel contexte.
-> Pour la Ville de Saint-Denis. Dont les actes effectués par sa police sont susceptibles d'être frappés d'illégalité s'ils sont assurés par un policier sans uniforme ou/et sans carte professionnelle ; ou qui méconnait certaines de ses obligations professionnelles ; ou qui est engagé dans des opérations qui ne relèvent pas de ses compétences. Tout cela nuit à l'efficacité de notre police municipale et à la lutte contre l'insécurité dans la ville.
-> Pour les habitant-e-s de notre ville qui ont besoin d'une police municipale efficace et bien encadrée. Et exerçant sur le terrain les vraies missions de police municipale dont ils ont besoin, plutôt que d'être utilisées par le maire pour régler ses conflits sociaux.