Madame, monsieur,
Nous sommes dans une impasse démocratique.
Lors du second tour des élections municipales, nous avons été près des deux tiers des électeurs et électrices à refuser l’alternative impossible dans laquelle on nous a enfermé, entre deux mauvais choix pour notre ville et ses habitants.
Avec 10,4 % des électeurs au premier tour et 18,44 % au second, c’est finalement la liste conduite par Mathieu Hanotin qui s’installe à la mairie avec la majeure partie des sièges au conseil municipal. Ce clan minoritaire obtient ainsi pour 6 ans la possibilité d’imposer à tous les habitants ses décisions et choix politiques.


À l’évidence, le résultat des élections est moins la victoire d'un camp que le naufrage d'un autre : celui d’une majorité en décomposition depuis plusieurs années. Qui a remplacé depuis longtemps la lutte des classes par la lutte des places. Ce qu’est venu éclairer comme jamais le pitoyable spectacle de ses déchirements d’entre-deux tours. Entre des individus qui avaient depuis longtemps en commun bien plus d'intérêts que de valeurs.
On le vérifie aujourd’hui une fois de plus : au niveau local comme sur le plan national, le système électoral de la Vè République confine la démocratie. Il confisque le vote populaire au profit de minorités. Il creuse le fossé de la défiance entre les citoyens et leurs représentants. Il est mortifère pour la République.
Dans un tel contexte, sans véritable bonne solution, chacune et chacun a dû se débrouiller. Au mieux. En fonction de ses valeurs, de sa conscience, de son expérience, de son intelligence et des intelligences collectives.
Aussi la légalité de l’élection de la nouvelle équipe ne saurait suffire la rendre légitime : au second tour nous avons été plus de 80 % d’électeurs/trices à marquer notre défiance en ne votant pas pour elle. La contester, soumettre ses choix, ses décisions et ses actions à la critique, s’y opposer dans les luttes et par l’action au besoin, n’est pas seulement un droit : c'est un devoir.
Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres
À Saint-Denis, le vieux monde se meurt. Qui peut le regretter ? Mais le nouveau tarde à apparaître. Car ce qui arrive aujourd’hui n’est pas du neuf : c’est sous une autre bannière un même confinement de la démocratie locale, soumise aux mêmes règles tordues ; le monde ancien sous une autre couleur. Et dans ses bagages, des monstres sont aux aguets…
Pour s’en convaincre il suffit de constater que lors de leur campagne électorale, tous se sont entendus sur un point : Culpabiliser les femmes et les hommes qu’ils conduisent dans le mur en expliquant que le pire d’en face justifiait à lui seul d’être aveugle à leurs propres impasses. Avec ce discours culpabilisant ils ont voulu réduire le débat à une équation binaire : si on n’est pas pour eux alors c’est qu’on est avec les autres. C’est caricatural, lamentable, désespérant.
Par l’abstention massive, nous avons donc été des dizaines de milliers dans notre ville à marquer notre refus de cette culpabilisation imposée par leur pensée binaire.
Maintenant le défi que nous avons tous à relever est d’imaginer une autre alternative. Qui ne soit ni le retour revanchard que souhaitent déjà ceux qui viennent d’être dégagés. Ni la poursuite du monde ancien par ce clan qui s'installe en profitant du rejet du précédent.
Il va nous falloir inventer d'autres façons de rassembler, d'autres dynamiques pour construire, élaborer, coopérer. Fondées sur la transparence, la concertation, l’élaboration collective, le contrôle permanent de nos représentants. Pour porter d’autres ambitions, d’autres pratiques, d’autres perspectives, d’autres espoirs.
Il va nous falloir changer notre relation au pouvoir. La relation de ceux et celles qui à force de le détenir finissent par penser qu’ils le valent bien. Et que c’est une raison suffisante pour qu’ils le détiennent. Et la relation aussi de celles et ceux qui à force d’en être écartés finissent par penser que ce n’est pas leur affaire.
Il va nous falloir débarrasser la démocratie de tous ces qualificatifs (Représentative, participative, directe, populaire…) dont l’habillent ceux qui veulent surtout la réduire, la contraindre, la limiter. Et enfin la déconfiner !
Il va falloir surtout que celles et ceux qui ne se retrouvent plus (ou à contrecœur) dans les alternatives absurdes qui leurs sont proposées relèvent la tête et s’en mêlent. Que le peuple, à Saint-Denis comme ailleurs, ne se laisse plus écarter du pouvoir.
J’entends y contribuer par cet appel à déconfiner la démocratie dans la ville où je vis depuis 30 ans, Saint-Denis. Et aussi en mars prochain à l’occasion des élections départementales.