
Décidément, les mois de décembre ont une fâcheuse tendance à se ressembler : ce matin je me suis rendu à l'église Sainte-Jeanne-d'Arc située au 19 rue Clovis-Hugues, à la Mutuelle et près de Barbusse, comme l'an dernier. Là des habitants expulsés du 168 avenue du Président-Wilson il y a un peu plus de deux ans ont trouvé en urgence un refuge provisoire, au chaud pour quelques jours…
Après leur expulsion de leurs logements en août 2016 dans des conditions lamentables, puis leur expulsion de leur campement de fortune sur l'avenue Wilson devant le 168 en décembre 2016 ; puis leur expulsion de l'ancien hôtel du Cheval-Blanc désaffecté où ils avaient trouvé refuge ; quelques-un-e-s ont trouvé des solutions bancales. Surtout, plusieurs sont encore à la rue, dormant par exemple dans leur voiture…

Pour ce qui est des conditions d'hébergement —je sais que certain-e-s vont me poser la question—, il n'y a pas d'urgence : la paroisse Sainte-Jeanne-d'Arc, le collectif des habitants et le Secours Islamique ont assuré l'essentiel pour le moment.
Le véritable enjeu est pour la suite. Car les déclarations de fin d'année du ministre de l'Intérieur sont préoccupantes : le gouvernement veut mettre un coup d'accélérateur dans sa chasse aux migrants. En espérant rendre le problème invisible, à défaut de pouvoir le résoudre. Aussi ce matin nous nous sommes retrouvés entre habitants du collectif du 168, bénévoles de la paroisse et de RESF, pour faire un point de la situation et voir les suites. Pour faire face, il y aura sans doutes des rendez-vous dès janvier prochain. Dont le collectif et les associations vous informeront. Et que je relaierai ici autant que possible.

Je ne suis pas croyant. Mais je viens d'une famille et d'un milieu qui l'étaient. Et mon parrain était prêtre. Autant dire que dans mon parcours, des croyants j'en ai croisé pas mal. De toutes les religions. Des communautés humaines avec leurs qualités et leurs défauts.
J'ai vu pas mal de zélotes qui évoluent en apnée dans leur doxa pour trouver toutes les raisons justifiants leurs petites ou grandes lâchetés face aux réalités du Monde. Rassurés qu'au bout du compte, le secret d'un confessionnal ou une prière opportune laveraient ce qui leur tient lieu de conscience. À leur décharge, j'ai aussi croisé pas mal de non-croyants dont la conscience avait cette même élasticité…
Et puis j'en ai rencontré d'autres. Des croyants équipés d'une conscience. Qui se font pas mal de nœuds au cerveau pour l'accorder avec leur foi. Et en tirent de vraies conséquences dans leurs actes. C'était par exemple le cas de Jean-Pierre Watrelot… Il y en a d'autres, comme ça. Des Jean-Michel, Issac, Marie-Claude, Pierre, qui se reconnaîtront peut-être. Et pas mal aussi dont je ne connais pas le nom… À ceux-là je dois reconnaître une chose : leur inébranlable constance à tenter de soulever des montagnes.
Alors en cette année finissante, je les remercie. Et j'adresse en guise de cadeau de fin d'année, à elles, à eux, comme à tous les ami-e-s (qui croient au ciel ou pas) et pour nous donner le courage de soulever ensemble les montagnes l'an prochain, ce poème de Vladimir Maïakovski qui vous va si bien :
Puisqu'on allume les étoiles,
c'est qu'elles sont à
quelqu'un nécessaires ?
C'est que quelqu'un désire
qu'elles soient ?
C'est que quelqu'un dit perles
ces crachats ?
Et, forçant la bourrasque à midi des poussières,
il fonce jusqu'à Dieu,
craint d'arriver trop tard, pleure,
baise sa main noueuse, implore
il lui faut une étoile !
jure qu'il ne peut supporter
son martyre sans étoiles.
Ensuite,
il promène son angoisse,
il fait semblant d'être calme.
Il dit à quelqu'un :
" Maintenant, tu vas mieux,
n'est-ce pas ? T'as plus peur ? Dis ? "
Écoutez !
Puisqu'on allume les étoiles,
c'est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires ?
c'est qu'il est indispensable,
que tous les soirs
au-dessus des toits
se mette à luire seule au moins
une étoile ? »
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Agir contre la lamentable expulsion du 168 avenue du Président-Wilson - Philippe Caro
Depuis le 25 août, les familles expulsées du 168 de l'avenue du Président-Wilson à la Plaine-Saint-Denis campent sur le terre-plein en face de l'immeuble dont elles ont été chassées. En tout...