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Envers les professionnels qui ont agit pour mettre fin à ce trafic, le personnel communal dont l’honneur est sali, notre ville dont l’image est ternie, tous nos concitoyens et concitoyennes qui assistent effarés à ce triste spectacle ; envers eux toutes et tous, nous avons un devoir de vérité, de lucidité et de transparence.
De ce point de vue, j’approuve les premières mesures que le maire indique avoir prises dans son communiqué. Néanmoins, je les trouve insuffisantes sur deux points.

Philippe Caro

Dérive mafieuse au CTM de Saint-Denis : nous avons un devoir de vérité, de lucidité et de transparence
Au conseil municipal d'hier soir, la saisie par les douanes de 500 Kg de résine de cannabis au Centre technique municipal (CTM) a fait l'objet d'un débat. Voici l'intégralité de mon intervention :

« Évidemment, l’examen cette année, auquel nous allons procéder tout à l'heure, du bilan social a lieu dans un contexte très particulier, dont il n’est pas possible de s’extraire : celui, vous venez le dire monsieur le maire, de la saisie par les douanes en fin de semaine dernière, d’une demi-tonne de résine cannabis dans le Centre technique municipal ; et de l’implication directe de plusieurs agents communaux.

Je félicite les douanes, les forces de l’ordre et la Justice pour leur travail qui a conduit à mettre à jour ce trafic. J’y vois la preuve de leur professionnalisme et le signe que pour peu que l’État leur en donne les moyens (Qui sont notoirement insuffisants dans notre ville), ils savent lutter efficacement contre les trafics et les trafiquants.

Je souhaite aussi assurer les milliers d’agents communaux de Saint-Denis de mon estime. Je connais leur engagement au quotidien pour nos concitoyens et concitoyennes. J’en connais aussi beaucoup personnellement. Je sais qu’ils sont aujourd’hui choqués. Et se sentent salis par les actes de quelques brebis galeuses qui attentent à leur honneur. Je tiens à les assurer, eux dont la culture professionnelle est aussi la mienne, de ma solidarité et leur dire ma confiance.

Envers les professionnels qui ont agit pour mettre fin à ce trafic, le personnel communal dont l’honneur est sali, notre ville dont l’image est ternie, tous nos concitoyens et concitoyennes qui assistent effarés à ce triste spectacle ; envers eux toutes et tous, nous avons un devoir de vérité, de lucidité et de transparence.

De ce point de vue, j’approuve les premières mesures que le maire indique avoir prises dans son communiqué. Mais je les trouve insuffisantes sur deux points.

Le premier porte sur les conséquences directes que les élus les plus impliqués dans la gestion du CTM et de ses agents tirent pour eux-mêmes. Ou plutôt qu’ils ne tirent pas.

Car autant je partage la décision prise de suspensions à titre conservatoire de 23 agents d’un service. Autant si on en reste là, ça consisterait à ne s’en prendre qu’aux lampistes. Alors qu’est clairement posée pour certains élus ici, la question de leur ignorance, de leur passivité ou de leur laxisme (Je ne sais d’ailleurs pas ce qui est le plus grave ?). Et par voie de conséquence qu’est posée aussi la question de leur responsabilité dans la dérive du CTM vers des processus déviants.

C’est en lisant Ouest-France ce week-end dans ma famille en Bretagne que j’ai appris l’intervention des douanes au CTM. Depuis j’ai lu la presse et les déclarations des uns et des autres. Chaque jour apportant son lot de nouvelles informations. Et j’ai attendu que des élus tirent pour eux-mêmes les conséquences de ce scandale. En vain.

Je ne vais évidemment pas aujourd’hui demander que le maire démissionne de ses fonctions. Il l’a déjà fait en octobre. Mais puisqu’on nous impose au début décembre un changement de maire, il va donc y avoir des modifications dans le tableau des maires adjoints et dans leurs délégations. Il serait incompréhensible que notre majorité reparte dans une configuration voisine de l’actuelle, compte-tenu de ce qui vient de se passer. Je demande donc que les élus les plus directement concernés par le trafic découvert dans un bâtiment municipal soient écartés de ces responsabilités. Voire même de l’exécutif.

Le second point que je trouve insuffisant dans le communiqué du maire concerne, je cite, l’« enquête administrative pour faire toute la lumière sur les faits et sur les complicités dont les agents incriminés auraient pu bénéficier ».

D’abord parce qu’il ne revient pas à la Ville de mener l’enquête sur les « sur les faits et sur les complicités dont les agents incriminés auraient pu bénéficier ». Ça, c’est le travail de la police et de la Justice. À qui je fais confiance, vu l’efficacité qu’ils ont eue jusqu’à présent dans cette affaire. Notre devoir est de leur faciliter la tâche pour trouver les complices et remonter les ramifications s’il y en a. Pas de prétendre enquêter à leur place.

Ensuite parce que la gravité des faits soulève des questions auxquelles, pour le coup, il nous revient de répondre. Pour l’essentiel, je les résumerai ainsi : s’il ne nous revient pas de chercher les coupables, il nous revient d’identifier les responsables. Et plus particulièrement les chaînes de responsabilité.

Chacun comprend en effet qu'une demi-tonne de résine de cannabis saisie implique que ce n’était sûrement pas un coup d’essai. Qu’il s’agit d’un système organisé et mafieux, installé là depuis pas mal de temps. Ceci sans être identifié par la chaîne hiérarchique.

Chacun comprend que si une dizaine de véhicules liés au trafic a été retrouvé au CTM, des procédures élémentaires de contrôles sont en échec. Et là aussi la responsabilité de la chaîne hiérarchique est posée.

Il nous revient donc de chercher à répondre à plusieurs questions. J’en vois quelques unes pour ma part :

  • Pourquoi et comment les procédures de contrôle d’un bâtiment municipal ont elles été mises durablement en échec ?
  • À chaque étage hiérarchique, du lampiste au sommet, comment se fait-il que les anomalies n’aient jamais été identifiées ? Et si d’aventure elles l’avaient été à un étage, pourquoi n’y aurait-il pas eu de suite ?
  • Y a-t-il eu des dérives clientélistes ou du laxisme dans les recrutements, la gestion du personnel, le management ?
  • Les failles qui ont pu permettre à un trafic de prospérer au CTM existent elles ailleurs ? Et permettent-elles à d’autres trafics de prospérer à d’autres endroits du service public communal ?
  • Dans la mesure où il y a au CTM des unités territoriales de Plaine Commune, y a-t-il aussi des failles dans les procédures de la communauté d’agglomération qui permettraient le développement de pratiques déviantes ?
  • Dans la mesure où on nous dit que l’un des agents communaux interpellé aurait déjà été mêlé antérieurement à un trafic, nos procédures de sanctions sont elles suffisantes et adaptées ? Et si ce n’est pas le cas, comment les renforcer ?
  • Comment se fait-il que le train de vie d’un des agents dont on nous dit qu’il était incompatible avec son traitement n’ait alerté personne ?
  • Y a-t-il une responsabilité des élus en charge de ces secteurs, dont la passivité ou le manque d’exigence envers l’administration auraient pour le moins laissé prospérer un tel climat et se développer un tel trafic à une telle échelle ?
  • Que faut-il changer ou mettre en place pour garantir que ce qui s’est passé ne puisse jamais plus se reproduire ?

Ces questions sont les miennes. Il y en a certainement d’autres. Mais je pense que pour y répondre l’enquête administrative diligentée par le maire ne suffit pas.

Parce que ça revient à demander à une partie impliquée de se juger elle-même. Car sauf à ne vouloir s’attaquer qu’aux lampistes, la question de la responsabilité au plus haut niveau de la pyramide est posée : Elle n’a en effet pas su, pas pu ou (ce serait plus grave !) pas voulu mettre en place les procédures qui auraient permis d’identifier les pratiques déviantes et empêcher les dérives mafieuses.

Je fais donc ce soir solennellement une proposition, en interprétant un peu notre règlement intérieur compte-tenu de la gravité des faits et de la situation : que nous constituions rapidement une nouvelle commission du conseil municipal chargée de travailler à répondre à ces questions.

Elle serait en particulier :

  • autorisée à entendre directement tous les élus, agents communaux et autres interlocuteurs qu’elle jugerait utile pour l’aider à ce travail ;
  • autorisée à se rendre directement sur des sites municipaux si elle l’estimait utile ;
  • autorisée à se faire assister par des techniciens si elle l’estimait utile.

Une commission qui rendrait compte directement et régulièrement au conseil municipal. Et serait chargée de faire lui des propositions et préconisations.

En clair, je propose à notre échelle communale une Commission d’enquête pluraliste pour établir les responsabilités et faire des propositions. Une commission évidemment, comme toutes les autres, représentative de l’ensemble des composantes du conseil municipal. J’indique je souhaite en faire partie. »

Tag(s) : #Saint-Denis, #Service public, #Débats, #Elus, #Personnel communal, #CTM, #Sécurité, #Douane, #Police
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